Paul VALLADE ♦ 01/12/2022
Courtier en crédit immobilier, un métier qui a surfé sur la vague immobilière de cette dernière décennie
Les courtiers en crédit ont connu une hyper croissance ces dernières années, de plus en plus organisés avec des réseaux de mandataires, des franchises. La profession a connu un véritable essor boostée par des taux en baisse continue depuis 10 ans et marché de l’immobilier très dynamique. Des enseignes multiples sont apparues dans les villes suivant le rythme des agences immobilières.
Ce métier qui existe depuis les années 80 était très peu encadré juridiquement, finalement n’importe qui pouvait prétendre à être courtier mais depuis quelques années, fort de son engouement, la règlementation s'est mise en place, les courtiers sont tenus d’être enregistrés à l’ORIAS (L'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance) et de valider un niveau de compétence pour exercer ainsi qu’une formation annuelle.
Désormais, les courtiers ont un devoir de conseil vis-à-vis de leurs clients et devoir de contrôle des dossiers qu’ils présentent à leurs partenaires bancaires.
Courtier immobilier, un interlocuteur qui rassure les emprunteurs
Il faut dire que les particuliers qui souhaitent investir dans la pierre sont souvent désorientés dans ce projet d’une vie et peu convaincus ou confiants vis-à-vis de leur conseiller bancaire. Jusqu’aux années 2000, rares étaient les clients prêts à négocier leurs crédits ou faire le tour des banques. On était déjà satisfait que sa banque accorde un prêt immobilier. On ne connaissait de toute façon pas les taux pratiqués à la concurrence et les comparateurs n’existaient pas.
L’arrivée d’internet a offert une visibilité sur les conditions du marché et le jeu de la concurrence est devenu la norme. Les courtiers ont pris l’ascendant dans la communication sur les financements immobiliers et ont offert une visibilité des taux pratiqués sur internet, tout cela en faisant gagner du temps à leurs clients qui n’ont pas à aller faire le tour des banques.
Le graal du meilleur taux est né et l’âge d’or des courtiers avec !
Sur les 20 dernières années la part de marché des courtiers n’a cessé de croitre, beaucoup de banquiers lassés par leur maigres primes se sont laissés tenter et ont rejoint des réseaux de courtiers. Il faut dire que le métier a été très lucratif, un dossier de prêt pouvant rapporter plusieurs milliers d’euros entre les honoraires que perçoit le courtier et la commission que verse la banque prêteuse si le financement abouti. Mais cette rémunération se mérite, le métier est difficile, hyper concurrentiel et la rémunération ne se fait qu’au succès (pour simplifier, vous pouvez faire travailler un courtier gratuitement si vous ne signez pas le crédit qu’il vous a obtenu). Il suffit de regarder le turnover du personnel qui démontre bien que ce n’est pas si simple que cela et souvent sous un statut indépendant sans garantie de revenus. Donc sur ce point, oui sa rémunération est mérité puisque vous ne payez que si cela vous convient.
Le principal danger des courtiers : les banques
Le nerf de la guerre pour les courtiers immobilier n’est pas forcément le client en lui-même mais ses relations avec les banques.
En effet, un courtier sans partenariats bancaires ne peut exister, ce n’est qu’un intermédiaire et ce sont bien les banques qui au final prêtent aux clients. Pendant longtemps, de nombreux professionnels pouvaient se lancer dans le métier en ayant de bons contacts et la mise en place d’un partenariat avec une banque était simple. Mais la réglementation s’est durcie, nécessitant pour les banques d’affecter un contrôle régulier sur ses conventions de courtage et devant le nombre croissant de courtiers qui surfait sur la vague de l’immobilier, elles ont commencé à sélectionner plus durement leurs intermédiaires.
Les courtiers, des partenaires trop couteux pour les banques ?
Ces grandes années de baisses de taux ont été l’occasion pour les banques de se rendre compte à quel point les courtiers avaient pris l’ascendant dans la captation des clients. Et cela à leurs frais puisqu’elles rémunéraient les courtiers pour chaque financement réalisé. Une rémunération allant jusqu’à 1% du montant emprunté, donc en moyenne plusieurs milliers d’euros en contrepartie de conquérir un nouveau client qui en ferait sa banque principale en s’équipant de moyens de paiement et y en domiciliant son salaire.
A croire que ce « point » de rémunération était gravé dans le marbre puisque toutes les banques pratiquaient ainsi et sans cela, leurs objectifs n’étaient pas atteints.
Des crédits immobiliers peu voir pas rentables pour les banques ?
Mais ces deux dernières années, la rentabilité obtenue par les banques par le biais du crédit immobilier et surtout via le canal des courtiers ne semble plus leur convenir. Il faut dire que la baisse continue des taux jusqu’à zéro a fait du mal aux marges bancaires. Mais au fond, le prêt immobilier qui était l’appât numéro 1 des banques pour capter et fidéliser des clients, fait face à des clients de plus en plus volages dont certains ne jouent même pas le jeu des contreparties commerciales que l’on appelle « l’équipement » (domiciliation des revenus, souscription des moyens de paiement et assurance habitation).
Des clients pas assez fidèles et rendus plus libres par les nouvelles lois
D’ailleurs, lors des différentes phases de baisses de taux, la majorité des clients n’ont pas hésité à se faire racheter leurs prêts à peine quelques mois ou années après avoir contracter leur prêt initial. Pour certains clients, ils ont même répété l’opération 2 ou 3 fois ! Des courtiers ont en grassement profiter, rappelant leurs clients récemment envoyés à un de leurs partenaires pour les faire racheter auprès d’un autre, multipliant les commissions. Autant dire que les banques se sont poser des questions sur ce modèle.
L’assurance emprunteur qui a toujours été très majoritairement commercialisée par les banques a connu un grand changement. Cette assurance obligatoire à souscrire pour un prêt immobilier offre une marge confortable aux banques permettant de rentabiliser leurs crédits immobiliers sur lesquels elles sont obligées de baisser leurs marges pour convaincre les clients devenus avertis.
Or différentes lois sont apparues (Lagarde, Bourquin, Lemoine) et désormais, l’assurance emprunteur qui était quasiment impossible à changer, est maintenant résiliable à tout moment en respectant des garanties similaires. Autant dire que c’est une manne conséquente qui va se réduire ces prochaines années pour les établissements bancaires.
L’hyper concurrence entre les banques, courtiers et les assureurs pousse à réduire les marges et le cout d’acquisition d’un client est regardé à la loupe.
Vers un changement de paradigme des banques dans leur relation avec les courtiers ?
Tout allait donc pour le mieux et les enseignes de courtage ont fleuri sur tout le territoire. Il y a toujours eu ici et là quelques difficultés relationnelles avec certaines banques qui s’arrêtaient puis recommençaient rapidement à travailler avec les courtiers, quelques frottements sur l’assurance emprunteur que les courtiers se sont mis à commercialiser, en concurrence avec les banques qui les rémunéraient pourtant. Mais rien de bien grave et les partenariats bancaires se nouaient sans trop de difficultés avec des banques très en recherche de nouveaux clients grâce à l’appât du crédit immobilier.
Des conflits avec les banques qui ne datent pas d’hier mais dont le dénouement est radical
Pour les banques, les courtiers sont donc à la fois des partenaires mais aussi des concurrents. Et elles ont aiguisé leurs armes en tentant le pari de réduire la proportion des financements en provenance du courtage. A chaque changement de direction dans une banque, le nouveau grand patron décrétait qu’il n’était pas normal de dépendre autant de ces courtiers alors que la force de vente en interne pouvait faire aussi bien. Combien de fois cela a échoué… mais cette fois-ci serait-ce la bonne ?
Une guerre qui ne porte pas son nom mais bien enclenchée
Certaines grandes enseignes de courtiers, euphoriques dans leur réussite grandissante, n’hésitaient pas à inviter leurs partenaires bancaires dans des fêtes fastueuses, tel Fouquet lorsqu’il recevait Louis IX dans son château plus beau que celui du Roi. Le manque de discrétion et l’arrogance de certains pourrait leur faire connaitre le meme sort…
C’est désormais la guerre ! Les directions changent dans les banques avec la chasse aux couts et des difficultés de rentabilité dans la banque de détail. Oui les banques ont d’excellents résultats financiers pourtant mais la branche de banque commerciale pour les particuliers est celle qui rapporte le moins.
Les banques ne prennent donc plus de pincettes et savent très bien que les courtiers ont besoin d’elles. Elles peuvent donc prendre des décisions à sens unique comme résilier une convention avec certaines enseignes de courtage qui n’apportent plus satisfaction ou même réduire la commission qu’elle verse à chaque prêt.
En 2020, une banque a commencé à bannir le fameux 1% de commission sur le montant du prêt aux courtiers en le réduisant à 0,50 %, moitié moins, à prendre ou à laisser.. Devant le succès de l’opération, l’ensemble des autres banques suivent comme si elles s’étaient entendues (il est vrai que ce chamboulement en une année le laisse penser) et les courtiers sont pris au piège. Habituellement, aucune banque ne voulait le faire car les courtiers ne leur aurait plus envoyé de clients. Un tri important a été également fait dans les conventions, beaucoup de courtiers ont perdu leurs partenariats devant de résoudre à rejoindre un réseau plus important pour continuer à exercer.
Des courtiers qui ont dû s’adapter face à la baisse drastique des commissions bancaires
La pilule a été dure à avaler pour les courtiers face à cette réduction de moitié de leur commissions bancaires mais leur marge restait toujours satisfaisante en la compensant par l’augmentation de leurs honoraires. Comme toujours, c’est donc le client final qui paie.
Les courtiers qui se disaient gratuits car ils vivaient sur la commission bancaire, ont donc dû revoir leur modèle économique et finalement réclamer des frais de courtage à leur clients.
Le coup fatal des résiliation des conventions bancaires
On aurait pu s’arrêter là mais ce n’était en fait que la première phase d’attaque des banques.
En 2022, avec les difficultés liées à la crise ainsi que le taux d’usure, de grands réseaux bancaires sont de nouveau revenus vers leurs courtiers pour annoncer qu’ils n’allaient finalement plus leur reverser la moindre commission… et pour certains, qu’ils n’allaient plus du tout travailler avec eux !
Voilà donc les courtiers sur le point d’apporter des clients gratuitement aux banques et de se contenter de leurs honoraires. Il leur sera difficile voire impossible de compenser cette perte sur leurs honoraires auprès de leurs clients qui sont déjà assez élevés (en moyenne 1500 à 2000 euros). D’ailleurs, les frais de dossier des banques (qui souvent étaient gratuits en passant par un courtier) ont été augmenté significativement (souvent autour de 800 à 1500 euros). Les courtiers les plus fragiles qui ne produisent pas assez de dossiers risquent de changer d’orientation.
Or même sans recevoir de commission, les banques ne traitent pas les dossiers des courtiers s’ils n’ont pas une convention avec eux. Cela peut paraitre étrange et ça l’est, les banques ont le droit de ne pas étudier le dossier d’un courtier même si il est mandaté par ses clients et qu’il ne demande aucune commission en contrepartie.
Pour le moment, cela ne concerne qu’une partie des banques et la plupart continuent à rémunérer l’apport de clients mais l’on sent bien la tendance et les courtiers s’attendent à tout moment au coup de fil fatidique de leurs autres « partenaires » bancaires.
Il leur faudra espérer que les banques ne les chassent tout simplement pas car la profession pourrait ne pas s’en remettre ou alors devoir se diversifier dans d’autres métiers comme l’assurance ou le financement professionnel par exemple.
Un phénomène passager ou durable ?
Comme cela a déjà été dit plus haut, cette relation « je t’aime, moi non plus » entre les courtiers et les banques n’est pas une première. Les courtiers pointent tout de même des relations crispées et les conflits sur l’antériorité d’un dossier sont légions car les banques n’hésitent pas à contacter leurs clients directement si elles reçoivent le dossier d’un de leur client existant par un courtier. La confiance reigne…
Durable ? On ne sait pas mais la tendance est lancée et cela ne devrait pas changer rapidement. Les banques sont connues pour changer d’avis une fois l’analyse des résultats obtenus et lorsque les directions changent. Tout dépendra de l’objectif de production que les banques vont se fixer. Le canal d’acquisition via le crédit immobilier qui est le gagne-pain des courtiers ne leur semble plus aussi important qu’avant. Pourquoi prêter en devant faire un effort pour attirer un client jusqu'à ne plus faire de marge, si ce client n’apporte pas la rentabilité escomptée ou qu’il n'est plus aussi fidèle qu’avant ?
Cependant, quel autre produit que le crédit immobilier permet d’attirer autant de nouveaux clients dans une banque ? Il faut aussi remplir les nombreuses agences encore ouvertes qui n’attirent plus les foules. Les gens ne changent pratiquement pas de banque sans une motivation réelle ou alors pour une banque en ligne aguichés par des cartes gratuites. Mais les banques en ligne aussi devront un jour etre rentables.
Tout cela au détriment des particuliers ?
Les particuliers ont un réel besoin d’accompagnement, c’est ce que les courtiers ont prouvé dans leur succès. Le conseiller bancaire, peu disponible, peu compétent dans ce domaine ne les rassure pas et ils veulent pouvoir comparer sa proposition, la plupart ne souhaitant pas devoir passer leurs samedis dans les agences bancaires à la chasse du meilleur financement.
Ce projet d’une vie nécessite beaucoup de conseils, d’expertise avec quelques fois des montages plus complexes comme lors d’un achat-revente avec un prêt relais.
D’un point de vue consommateur, il est donc primordial de laisser libre les courtiers d’exercer et que ce ne soit pas uniquement de la volonté des banques que dépende leur avenir.
Les prochaines années seront déterminantes pour la profession et il faut souhaiter que de cette bataille émergera un nouveau modèle plus durable pour ce métier si utile.
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